Le temps d’un film - Le Délit
Le drame biographique Tick, Tick… Boom ! raconte la vie de Jonathan Larson, un auteur-compositeur de comédies musicales. Larson est principalement connu pour son œuvre Rent, succès de Broadway, qui lui a valu plusieurs prix à titre posthume. Le dramaturge est décédé subitement d’un anévrisme aortique à l’âge de 35 ans, la veille de la première représentation de Rent. L’intrigue de Tick, Tick… Boom ! se déroule à New York, en pleine épidémie de VIH, alors que le protagoniste tente désespérément de percer à Broadway. Il se sent pressé par le fait qu’il fêtera bientôt son 30e anniversaire sans avoir encore connu de succès notable. Ce film musical, réalisé par Lin-Manuel Miranda, tient son nom d’une comédie musicale de Larson achevée en 1991, quelques années avant son décès.
Réalité ou fiction
Tout au long du film, la narration est réalisée par Jonathan, interprété par Andrew Garfield, qui raconte les moments marquants de sa vie, les bons comme les moins bons, l’ayant mené jusqu’à la personne qu’il est devenue. Le long métrage utilise la même trame narrative que la pièce l’ayant inspiré. Cette approche diminue la distance entre la réalité et la fiction, car elle donne l’impression d’assister au spectacle de Jonathan Larson tel que présenté au début des années 90. Même si ce spectacle est à priori une œuvre autobiographique, il reste tout de même une certaine part de fiction, et le long métrage conserve ce même rapport entre ce que Larson a réellement vécu et ce qu’il a inventé. Il est facile de se laisser porter par la narration du film, qui crée une fluidité dans l’enchaînement des événements : la transition se fait naturellement entre les moments où Jonathan présente son spectacle sur scène et ceux où il traverse les événements dont il est question dans sa pièce.
Les chansons interprétées par les comédien·ne·s proviennent directement de l’œuvre originale de Larson, mais elles sont cette fois-ci accompagnées de danse et de jeux de caméra pour être présentées à l’écran. Les mélodies accrocheuses composées par le dramaturge donnent le ton du film. Chacune semble s’imbriquer parfaitement dans le long métrage et s’harmoniser avec les émotions ressenties par le protagoniste – certaines sont rythmées et légères, alors que d’autres sont plus profondes et tristes.
De plus, il est nécessaire de saluer le travail d’Andrew Garfield, qui incarne avec justesse Jonathan Larson. Cette performance lui a d’ailleurs valu le Golden Globe du meilleur acteur dans un film musical ou une comédie.
Avant l’explosion
Pour le protagoniste, l’approche de la trentaine suscite une angoisse grandissante, car il s’agit d’un point de non-retour : s’il n’a toujours rien accompli à 30 ans, peut-être n’a‑t-il pas ce qu’il faut pour percer à Broadway. Il nourrit de grands espoirs pour son avenir, mais rien n’avance réellement, au point où il se demande si sa vie ne se résume pas aux conditions modiques dans lesquelles il vit depuis plusieurs années. Le tick tick régulier de l’horloge résonne à plusieurs moments clés du film, tel un compte à rebours, créant un sentiment d’urgence. Jonathan voudrait freiner le temps, mais il s’agit là d’un souhait impossible. Alors que, tour à tour, des membres de son entourage sont infectés par le VIH, Jonathan est plus que jamais conscient du temps qu’il perd à vivre dans ses rêves de grandeur. Le protagoniste, comme figé dans le temps, a passé de nombreuses années de sa vie à travailler sur une même pièce de théâtre, alors que tout semble avancer trop vite autour de lui. Le film peut être interprété comme une invitation à se questionner sur l’importance de savoir profiter pleinement du temps qui passe, avant le boom final.
Tick, Tick… Boom ! est un bel hommage rendu à Jonathan Larson, dont l’œuvre a su marquer une génération malgré sa courte carrière. Le film est présentement disponible sur Netflix.