LinuxFr.org Se connecter iPod : sept ans de « progrès » dans l'emprisonnement numérique Derniers commentaires Étiquettes (tags) populaires Sites amis À propos de LinuxFr.org
Pour les fêtes de fin d'année, de nombreuses personnes ont sans doute reçu un iPod en cadeau. Avec ce produit, Apple est devenu en quelques années l'un des meilleurs geôliers numériques, et on ne peut qu'être interpellé par son insolent succès. J'ai pu essayer plusieurs génération de leurs baladeurs numériques iPod, et j'en profite donc pour publier cette rétrospective.Les baladeurs numériques existent depuis dix ans. Il y a sept ans, Apple a sorti le premier iPod, un baladeur numérique presque comme les autres. Il se distinguait uniquement par son organisation propriétaire des fichiers et sa roue de défilement tactile, sa forme et son aspect étant alors très semblables à ceux des baladeurs de Creative.Depuis, Apple a sorti plusieurs nouveaux modèles (on parle de générations) d'iPod, en apportant à chaque fois quelques modifications. Chose étonnante, il ne s'agit jamais d'ajouts de fonctionnalités, mais plutôt d'ajouts de défauts volontaires, qui limitent sa libre utilisation :
- signature des fichiers pour interdire leur ajout avec un logiciel tiers ;
- signature du micro-logiciel pour interdire son remplacement par un alternatif ;
- invalidation des fichiers en cas d'utilisation avec un second ordinateur ;
- tout dernièrement, suppression de la table de partition, interdisant ainsi le simple accès aux fichiers depuis un logiciel tiers.
Mise à Jour : Les 4 points ci-dessus sont déclinés en "générations" ci-dessous (du point de vue de l'utilisateur final standard et non de générations d'un point du vue marketing, les "générations" se référant à d'autres notions, tels que des changements de forme).Quelques corrections sur cet article ont été apportées en commentaire par Christophe Fergeau qui travaille sur le support ipod sous Linux.Baladeur numériqueUn baladeur numérique possède deux aspects :Branché à un ordinateur, un baladeur normal apparaît comme un périphérique de stockage de masse (c'est à dire comme une clef USB), hébergeant un système de fichiers FAT, sur lequel on place des répertoires et des fichiers musicaux (MP3 ou Ogg Vorbis). L'utilisateur peut y organiser ses fichiers comme il le souhaite.Un tel baladeur peut d'ailleurs servir de clef USB, pour stocker des documents d'un type différent. Ils ne sont alors pas lisibles en balade, mais peuvent ainsi être transférés sur un autre ordinateur.iPod, première générationLes premiers iPods se comportaient comme des baladeurs normaux, à une exception près : les fichiers musicaux doivent être organisés de façon très particulière pour être lisibles en balade. Cette organisation, remarquablement inhumaine, impose donc l'utilisation d'un logiciel spécifique pour transférer les fichiers : le logiciel propriétaire iTunes, rapidement rejoint (et dépassé) par d'autres comme Amarok ou Rhythmbox.Ces iPods pouvaient par ailleurs toujours servir de clef USB. Seul le transfert de fichiers musicaux en vue d'une lecture en balade ne pouvaient pas humainement être réalisée de la sorte.Enfin, des micro-logiciels alternatifs ont été développés, permettant d'utiliser les iPods de façon aussi conviviale, sans être limités par ce défaut du micro-logiciel d'origine.iPod, deuxième générationLa première modification apportée aux iPod a été l'introduction d'un mécanisme de signature numérique des fichiers musicaux : ces baladeurs n'acceptent de lire que les fichiers transférés et signés avec le logiciel propriétaire iTunes.Il était toujours possible de récupérer la musique d'un iPod avec un logiciel alternatif, mais l'ajout de musique n'est plus possible. Ce système a cependant rapidement été craqué, mais le contournement n'a jamais été intégré de façon conviviale, autant que je sache.iPod, troisième générationLa troisième génération d'iPod apportait une innovation majeure : la signature numérique du micro-logiciel. Ces baladeurs refusent maintenant de fonctionner avec un micro-logiciel non signé par Apple. Les utilisateurs sont désormais contraints d'accepter les défauts du micro-logiciel d'origine, sans pouvoir remplacer celui-ci par un alternatif plus commode.Le micro-logiciel Apple introduisait également un lien très fort avec l'ordinateur ayant servi à charger de la musique sur le baladeur : toute utilisation avec un autre ordinateur rend la musique illisible en balade. La musique n'est pas détruite, mais le baladeur ne la prend plus en compte, et son micro-logiciel doit être réinstallé pour qu'il fonctionne à nouveau correctement.iPod, quatrième générationLes derniers iPod, qui sont actuellement en vente, n'ont plus de table de partition. Branché à un ordinateur, un tel baladeur apparaît comme un périphérique de stockage de masse non partitionné, et sans système de fichiers. Il n'est donc pas possible de récupérer ou d'ajouter de la musique qu'avec le logiciel iTunes, et ces baladeurs ne peuvent plus servir de clef USB.ConclusionEn cinq ans, Apple a sorti des baladeurs assez limités, puis les a peu à peu refermés. Par ailleurs, ces baladeurs se sont extrêmement bien vendus, au point de devenir majoritaires, et que le terme « iPod » soit presque devenu générique. On parle ainsi de « cassettes adaptatrices d'iPod pour autoradio » pour désigner une cassette adaptatrice pour n'importe quel baladeur à prise jack, en fait. On peut donc en déduire que la majorité des gens est très sensible au marketing d'une telle entreprise, et qu'il y a un grand besoin de personnes éclairées pour la sensibiliser aux problèmes de liberté qui sont soigneusement dissimulés.Enfin, Apple, qui a pendant un moment été perçu comme une alternative sympathique au « méchant » Microsoft, a démontré par ses deux plus grandes réussites – l'iPod et l'iPhone, premier déploiement massif d'informatique déloyale –, qu'ils n'étaient pas animés par la moindre considération philosophique, mais au contraire prêts à enfermer leurs utilisateurs, de façon plus pernicieuse encore que l'éditeur du système d'exploitation monopolistique. La palme de l'hypocrisie revenant bien sûr à son directeur, Steve Jobs, qui s'est prétendu « opposé aux DRM ».
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