Jean-Pierre Beauviala, inventeur de la caméra légère dite du « chat sur l’épaule », est mort
Le chat a quitté l’épaule. Jean-Pierre Beauviala, né le 22 juillet 1937 à Alès (Gard), ingénieur et créateur des caméras légères Aaton, dont la fameuse dite du « chat sur l’épaule » en 1972, est mort lundi 8 avril à Paris, des suites d’un cancer. Depuis la création de sa société Aaton en 1971, et jusqu’à ces derniers jours où il travaillait encore sur le prototype Libellule, une miniature faite pour coller à l’œil, il inventa les dispositifs les plus audacieux, prolongeant la révolution des premières caméras légères. Les Aaton sont arrivées au début des années 1970, après les Cameflex Eclair qui se portaient déjà sur l’épaule et qu’avaient adoptées François Truffaut dans Les Quatre cents coups (1959) et Jean-Luc Godard dans A bout de souffle (1960), pour réaliser des travelling virtuoses.
L’un des innovations les plus marquantes de Beauviala fut le « marquage temps », qui consiste à inscrire le temps de prise de vue, chaque seconde, sur le bord de l’image, et à le reporter sur la piste de la bande-son. Une autre fut le « système à quartz » qui permet de contrôler la synchronisation entre le son et l’image, ou de couper le « fil » entre les deux. Pour la directrice de la photographie Caroline Champetier, proche de l’inventeur, Jean-Pierre Beauviala était « un surdoué ». « A 14 ans, il s’était fabriqué un agrandisseur optique. Jean-Pierre disait souvent : l’invention, c’est souvent savoir retourner la question », dit-elle. Comme de nombreux chefs-opérateurs, tel Eric Gautier pour Carnets de voyage (2004), de Walter Salles, Caroline Champetier a utilisé une Aaton Pénélope 35 millimètres pour tourner Des hommes et des dieux (2010), de Xavier Beauvois. « On pourrait croire que beaucoup de plans du film sont fixes. Mais ce n’est pas le cas : 40 % ont été tournés à l’épaule avec la Pénélope. Je l’utilisais dans les minuscules cellules de moines, ou plutôt je la portais contre moi. On la pose sur l’épaule, elle tient quasiment toute seule. Et on est immergé dans le viseur », témoigne-t-elle. Louis Malle, Jean Rouch, Eliane de Latour, Peter Greenaway, Raymond Depardon, Xavier Beauvois… Tous ces cinéastes ont au moins tourné une fois avec une Aaton.
Un passionné d’architecture et d’urbanisme
A l’origine, c’est l’envie de tourner un film qui déclencha le désir d’invention chez le jeune professeur à l’université de Grenoble, où il enseigna jusqu’en 1968 – il travailla aussi un temps pour la société Eclair, avant de se faire congédier. L’époque était aux villes nouvelles et Beauviala en était un ennemi juré. Passionné d’architecture et d’urbanisme, il tenait à faire un film sur une ville vivante, dans lequel il développerait son idée de « coveillance », laquelle « rend les gens attentifs les uns aux autres ». Le film ne se fit pas, mais Beauviala créa une caméra super 16 millimètres.
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