Télescope James-Webb: comment la France a participé à fabriquer la prochaine révolution spatiale
Ce 25 décembre, une fusée Ariane 5 enverra en orbite le télescope spatial James-Webb pour prendre la succession du célèbre Hubble. Initié à la fin des années 1980, ce joyau technologique va bouleverser notre vision de l'univers.
L'aventure spatiale s'inscrit dans le temps long. Lorsque les premiers jalons du James Webb Space Telescope (JWST) sont posés en 1989, son prédécesseur le télescope Hubble n'est même pas encore parti dans l'espace. Mais l'avenir se prépare longtemps en avance et c'est finalement 32 ans plus tard que cet incroyable outil de plus de 6 tonnes, grand comme un terrain de tennis, s'apprête à commencer la mission.
Sauf changement de dernière minute, le télescope James-Webb doit partir de Kourou, en Guyane, à bord d'une fusée Ariane 5 ce 25 décembre. Il est un de ces jalons qui marquent l'histoire spatiale à l'instar du rover Curiosity sur Mars ou du robot Philae sur la comète Rosetta. Un exploit technique, fruit d'une collaboration internationale, qui va ouvrir un nouveau pan de l'exploration spatiale.
Pour bien comprendre l'impact de ce télescope très attendu, il suffit de constater ce qu'a pu apporter son grand frère Hubble, lancé dans l'espace en 1990. La plupart des incroyables photos de galaxies, supernovas ou planètes sont issues de ce télescope, bien qu'elles soient par la suite affinées et colorisées pour un meilleur rendu.
Contrairement aux télescopes sur Terre, les télescopes spatiaux installés en orbite terrestre ne sont pas gênés par l'atmosphère pour obtenir de meilleurs clichés, captant à la fois la lumière visible par l'homme mais aussi les spectres invisibles (infrarouges, rayons gamma…). C'est à Hubble que l'on doit la preuve de l'existence des trous noirs, l'affinement de l'âge de l'univers ou encore l'idée du nombre immense de galaxies présentes dans l'univers.
Près de 10 milliards de dollars
James-Webb, du nom de l'ancien patron de la Nasa lors du premier pas sur la Lune, promet de passer un nouveau cap. Son miroir principal, outil pour capter les fameux spectres lumineux, mesure 6,5 mètres de diamètre (contre 2,4 mètres pour Hubble). Plus puissant et situé à 1,5 million de km de la Terre (contre 600 km pour Hubble), il promet d'aller détecter les infimes lumières des premières étoiles apparues aux confins de notre univers. Il devrait aussi nous en apprendre davantage sur la manière dont se sont formées les galaxies. Enfin, puisque chaque composant chimique a une signature spectrale, il sera capable de déterminer si une exoplanète possède les conditions nécessaires à la vie (présence de méthane, ozone, eau…) voire si elle possède des traces de vie.
L'enjeu est de taille, le budget aussi: 9,7 milliards de dollars, principalement déboursés par la Nasa (7,9 milliards de dollars). Mais l'Europe n'est pas déconnectée du projet puisque l'agence spatiale européenne (ESA) a fourni un des quatre instruments, le MIRI (Mid-InfraRed Instrument) qui permettra d'observer la lointaine lumière infrarouge. La France s'est chargée en particulier d'une des deux parties de cet instrument, l'imageur MIRIM (équivalent d'une caméra), développé entre 2004 et 2009 par le Cnes, le CEA et plusieurs laboratoires hexagonaux.
Autre acteur tricolore à prendre part à l'aventure: Arianespace, chargé d'envoyer le télescope sur son orbite lointaine, à 1,5 million de km. Si la fusée Ariane 5 a plutôt l'habitude d'envoyer des satellites près de notre planète, elle a déjà été chargée de lancer en 2009 Herschel et Planck, deux satellites scientifiques au point de Lagrange L2, le même que le point d'orbite prévu pour James-Webb.
Mais ce lancement restera celui de la "décennie" pour l'industriel qui travaille depuis plusieurs années sur l'adaptation de son lanceur pour cette mission, notamment pour assurer le déploiement de l'immense télescope. Ce dernier mettra environ un mois à se mettre en orbite et encore 5 mois de plus pour commencer son travail.
Ce voyage sera aussi un des derniers d'Ariane 5, qui laissera sa place, courant 2022, au nouveau lanceur Ariane 6. Une dernière mission pour finir en beauté.
Thomas Leroy Journaliste BFM Business