Triangle: «Le marché de l’enceinte hifi a pris un grand coup de jeune grâce au vinyle et au Covid»
« On n’est pas des startupers, on est une boîte de vieux », lance tout de go Hugo Decelle, le jeune patron (33 ans) de la marque d’enceintesfrançaisesTriangle. Quarante ans après sa création par Renaud de Vergnette, Triangle qui compte 16 salariés dans son usine de Soissons (Aisne) a été reprise en 2010 par le père d’Hugo avant qu’il n’en confie les rênes à son fils. « Je me suis lancé dans l’aventure par nécessité — la société, vieillissante, était en difficulté — puis par passion, pour le plaisir de définir des gammes de produits, les créer, les fabriquer, les commercialiser… », explique l’entrepreneur.
Comme les fabricants d’enceintes Focal à La Talaudière (42), Cabasse dans le Var (83), Davis Acoustics à Troyes (10), ou Jean-Marie Reynaud à Barbezieux-Saint-Hilaire, Triangle qui produit à Soissons (02), milite pour le « made in France », un exercice qui reste un défi de chaque jour. Hugo Decelle explique pourquoi à 20 Minutes.
Fabriquer des enceintes en France, c’est un challenge ?
Il ne faut pas croire que tout est simple. Nous assemblons nos enceintes dans notre usine de Soissons, mais une fabrication 100 % française reste pour l’heure impossible. D’abord pour des questions de volumes. Nous sortons environ 2.500 enceintes de nos ateliers chaque année, soit 250 à 300 unités par mois. La seule question de l’ébénisterie et du caisson de l’enceinte ne permet pas une fabrication 100 % française. Résultat, nos ébénisteries pour nos enceintes de moyenne gamme viennent de Pologne, voire d’Asie.
Pour quelle raison ?
Nous manquons cruellement de sous-traitant en France et avons du mal à trouver des compétences industrielles efficaces dans l’Hexagone. Trouver un ébéniste français capable de nous livrer 300 caissons par mois, c’est une mission impossible. Mais quoi qu’il arrive, nous préférons assembler en France. Et puis, la Picardie, c’est là où il y a l’âme de Triangle. Quoique l’on veuille faire, les composants restent pour leur part fabriqués en Asie. Nous y approvisionner est une nécessité.
L’enceinte acoustique, c’est une exception française ?
La France a été pionnière dans cet univers, notamment avec des marques comme Elipson qui dès les années 1930 s’est distinguée. Il reste une avancée industrielle, une identité, avec un son très dynamique, vibrant, détaillé, contrairement au son anglais qui va être plus calme, plus doux, analytique, avec une reproduction assez froide, proche de celle des enceintes de monitoring que l’on trouve en studio.
Cette spécificité est appréciée à l’étranger où nous réalisons 60 % de notre chiffre d’affaires. Il y a dix ans, je pensais que le marché de l’enceinte était un marché de vieux, or, il y a un vrai savoir-faire à développer !
Economiquement, comment se sont déroulées les deux années qui viennent de s’écouler pour Triangle ?
Nous avons augmenté notre chiffre d’affaires de 50 %, il est passé de 4 à 6 millions d’euros. Le marché de l’enceinte hi-fi a pris un grand coup de jeune grâce au vinyle qui connaît un vrai succès, mais aussi au Covid et aux confinements, périodes durant lesquelles les consommateurs se sont recentrés sur leur intérieur et ont investi. Ces bons résultats nous permettent d’embaucher une ou deux personnes par an.
Soufrez-vous des difficultés d’approvisionnement en Asie dont on entend constamment parler actuellement, notamment pour la high-tech ?
Nos bons résultats nous ont aidés à avoir un peu plus de trésorerie. Du coup, nous avons acheté beaucoup de pièces en amont. Mais désormais, au lieu de trois mois de délais d’approvisionnement, nous prévoyons entre six et neuf mois de délai. Et en 2022, il faudra se projeter à douze mois !
Souvent, on constate que le peu de composants électroniques disponible est acheté par des traders qui les revendent au prix fort. Nous faisons également face à une hausse des coûts des matières premières, comme le papier ou l’acier dont les prix ont augmenté de 20 %. Sans oublier le coût des containers, multiplié par dix entre l’Asie et la France !
Vous ne commercialisez que peu d’enceintes Bluetooth et pas encore de casque audio. Pourquoi ne pas davantage vous diversifier sur ces marchés ?
Nous nous situons sur une ligne de crête entre tradition et modernité. Nous avançons avec prudence vers le grand public avec des enceintes connectées. Mais nous sommes clairement trop petits pour l’enceinte Bluetooth. C’est le pire des marchés où aller pour une entreprise de notre taille. C’est le plus concurrentiel. C’est aussi celui où l’on trouve les enceintes Alexa potentiellement vendues à perte et dont le but reste d’agréger des informations sur leurs utilisateurs.
Le casque audio constitue par contre une vraie piste intéressante, nous y réfléchissons. Mais ce sera autour d’un projet de casque audiophile et filaire uniquement, qui puisse correspondre à notre ADN.
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