Maroc, des souks au désert - Routard.com
Questions à Lionel Taieb
Le Routard : pourquoi avoir choisi cette destination ?
Lionel Taieb : je voyage régulièrement en Orient, qu'il s'agisse de l'Orient extrême (Inde, Chine, Japon, Asie du Sud-Rst...) ou proche (Iran, Egypte, Syrie avant la guerre...). Mais parfois, j'ai envie de combler ce "désir d'Orient" plus rapidement, moins longtemps. Le Maroc est parfait pour cela : 2 h d'avion (depuis Marseille) pour retrouver les médinas grouillantes, les souks colorés, les palais des mille et une nuits, la couleur ocre et les parfums d'épices et d'encens si caractéristiques de l'Orient.
Mais, derrière ces clichés, ce sont aussi de très beaux paysages - notamment de mer et de montagne - des ruines quasiment désertées, des jardins somptueux, le silence du désert et toute une vie de quartier, dans des rues à l'écart de l'agitation. Et aussi un accueil chaleureux quand on parvient - par endroits - à s'affranchir des sollicitations touristiques.
Le Routard : peux-tu nous décrire tes voyages dans ce pays ?
Lionel Taieb : je suis allé à 4 reprises au Maroc, à chaque fois pour des escapades d'une semaine à dix jours. La première fois à Marrakech puis Essaouira, la seconde à Casablanca et Rabat, la troisième entre Fès et Meknes et la dernière entre Marrakech, Ouarzazate et Tanger. Ces escapades de quelques jours sont frustrantes - on resterait bien plus longtemps - mais permettent déjà de ressentir toute la diversité du pays : dans une même journée, on peut admirer les sommets de l'Atlas puis marcher dans les ruelles d'une ville souterraine, errer seul dans d'immenses vallées puis se frayer un chemin dans des médinas bondées, visiter des palais très fréquentés puis découvrir un ksar en ruines, totalement déserté.
Concernant l'organisation, ce sont surtout des voyages d'impulsion, décidés spontanément. Du coup, ma seule préparation est un billet d'avion et un lieu où dormir à l'arrivée, surtout au Maroc où l'on peut séjourner dans de beaux riads, bien rénovés. Seule exception à cette demi improvisation : pour l'escapade à Ouarzazate, j'ai fait appel à une agence locale, ce qui permet d'avoir un guide et facilite l'organisation d'une nuit dans le désert.
Le Routard : quels ont été tes coups de cœur et les expériences qui t'ont particulièrement marqué et que tu recommanderais ?
Lionel Taieb : même si elle était "aménagée" par l'agence (camps de base, tente en dur, repas préparé...), la nuit dans le désert est un moment à part. S'endormir dans le silence et l'immensité, observer le lever de soleil sur les dunes, sentir cet "océan de sable" sous ses pieds, se rouler le long des pentes ocres procurent des sensations de "temps suspendu" toujours bienvenues dans le tumulte d'une vie active. Et avec des enfants, cela donne un côté "Petit Prince" qui ajoute à la magie du désert.
J'ai eu de belles émotions également dans le Ksar d'Aït-ben-Haddou, qui laissent encore aujourd'hui de magnifiques images en tête et sur la pellicule.
Même si c'est forcément très touristique, je pense qu'il faut sans hésiter visiter Essaouira et sa douceur de vivre. A l'inverse, Volubilis, une cité antique très bien préservée, se visite quasiment seul et possède un très fort pouvoir d'évocation.
Sinon, j'ai toujours un faible pour les grandes villes, en voyage d'une manière générale et au Maroc en particulier : il y a une densité de "scènes de vie" qui fait qu'on est toujours surpris. Tanger, à ce niveau, reste une vraie découverte, par son atmosphère unique, son mélange culturel, sa belle médina, ses rues en pente et sa vue sur Gibraltar. Le souk de Fès est envoûtant : je n'ai jamais vraiment réussi à m'y repérer. Casablanca enfin, est aussi à visiter, ne serait-ce que pour sa Mosquée impressionnante, comme "posée" sur l'Océan.
Le Routard : que représente la photographie de voyage pour toi, es-tuphotographe professionnel ?
Lionel Taieb : en réalité, je suis venu à la photo... par l'écriture. J'ai longtemps préféré écrire des carnets de route, car les mots me semblaient alors plus appropriés, plus subtils pour retranscrire des émotions de voyage. J'ai eu la chance de remporter 2 ou 3 concours de blogs de voyage qui m'ont encouragé dans ce sens. J'emmenai bien un petit appareil photo avec mon bloc-notes, mais c'était plus pour faire de l'illustration que pour traduire une émotion.
Et puis, j'ai commencé à voyager moins souvent seul, et donc à être moins "disponible" pour l’écriture, moins inspiré peut-être aussi. Il m'a donc fallu trouver une autre façon de "transmettre", plus spontanée, et l'appareil photo s'est imposé naturellement. J'ai commencé à "déclencher" de façon plus réfléchie, à prendre le temps de regarder avant d'appuyer, à essayer de composer... Jusqu'à ce que l'un de mes clichés pris dans le métro de Tokyo soit élu "meilleure photo de voyage" dans Géo (dans une page réservée aux photographes amateurs) et qu'une agence de voyages choisisse une de mes photos de Shanghai pour la couverture de son catalogue annuel. Cela m'a encouragé à lâcher définitivement le stylo pour l'objectif et aujourd'hui, je ne conçois plus de voyage sans appareil photo... D'ailleurs, je ne prends réellement de photos qu'en voyage.
Même s'il m'arrive parfois de vendre des photos ou d’en exposer, je suis ne suis pas professionnel. Je n'ai pas la sensation de "maitriser" ce que je prends en photo et n’arrive pas réellement à prendre des photos "sur commande", où il faut maitriser tous les paramètres techniques.En revanche, dans mon métier de communiquant, je fais appel à des photographes professionnels avec qui j'aime beaucoup échanger.
Le Routard : as-tu un style photographique particulier, essaies-tu de faire passer un message dans tes photos ?
Lionel Taieb : pas vraiment. L'appareil photo est juste un "filet" grâce auquel je tente de « capturer » des émotions qui, sans cela, s'évaporent trop rapidement. Je « saisis » tout ce qui passe par le viseur : un portrait, une scène de rue, un paysage, un détail... Ce qui permet, le temps du retour venu, de recomposer un voyage qui n'est pas celui que j'ai vécu, ni même celui dont je me souviens, mais celui que j'ai capté grâce à ce "troisième œil" qu'est le viseur.
C'est la juxtaposition de toutes ces images qui, à la limite, peut dégager du sens. Par exemple, j'aime bien - le temps du retour venu - mettre deux photos en "résonance" pour souligner un contraste ou, à l'inverse, pour trouver des connexions inattendues entre 2 univers que tout oppose.
Le Routard : quel équipement photographique emportes-tu en voyage, comment retravailles-tu tes photos au retour ?
Lionel Taieb : j'ai aujourd'hui un Nikon D750, que je ne sors du sac que le temps d'un voyage ou d'une escapade, soit deux ou trois fois par an. Mais j'ai longtemps utilisé des petits appareils numériques, avant de passer aux appareils "bridge" puis aux reflex numériques. Ce Nikon est mon second reflex (le premier a tenu 10 ans). Il est assez lourd mais c'est une sensation que j'apprécie : sentir le poids de l'appareil, comme un prolongement du bras et de l'œil. Lorsque je le range dans le sac au retour, j'ai un sentiment de manque pendant quelques jours : celui de ne plus pouvoir "voir autrement" en mettant l'œil dans le viseur.
J'ai découvert la retouche plus récemment - à travers Lightroom - mais tout comme en photo, je ne suis pas expert. Retoucher ses images, c'est surtout un beau prétexte pour revivre son voyage. Et le réinventer.
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