Comment Michelin décarbone ses sites industriels à Clermont-Ferrand et dans le monde
2050 pour décarboner totalement ses sites : l’objectif qu’avance Michelin peut sembler lointain. Mais ce sont bien les dirigeants actuels qui prennent ce défi à bras-le-corps et entendent placer le géant du pneu sur les bons rails, avec une feuille de route et des objectifs ambitieux d’ici 2030 : notamment diminuer d’un tiers, en 2030 par rapport à 2019, l’impact de l’entreprise en consommations d’énergie et d’eau, émissions de CO2, utilisation de solvants organiques et production de déchets.
Presses de cuisson électriques
Le processus est engagé depuis 2005, rappelle Jean-Christophe Guérin, en charge des performances des usines du groupe et concerne peu à peu les 71 usines du groupe (voir interview ci-dessous). Avec notamment le déploiement de nouvelles presses de cuisson électriques qui permettent de diviser quasiment par cinq la consommation d’énergie (électrique et non plus fossile) que nécessite cette étape majeure de la fabrication d’un pneu. À Clermont-Ferrand, l’usine des Gravanches en est équipée. Ce site a été le premier du groupe affiché à zéro émission de CO2, et ce depuis 2019.
4.000 logements voisins chauffés
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Les économies attendues en consommations sur l’ensemble des activités industrielles de Cataroux sont de 50 % pour le gaz naturel et 13 % pour l’eau.
« À Cataroux, le surplus de chaleur servira à des logements voisins, mais cela pourrait s’envisager pour une entreprise voisine, explique Jean-Christophe Guérin. Nous allons étudier ce qu’il est possible de dupliquer sur nos autres sites. »
« Nous nous engageons sérieusement et dès maintenant »
Membre du comité exécutif de Michelin et en charge des performances de toutes les usines du groupe, Jean-Christophe Guérin livre les clés de l’engagement de l’entreprise pour l’environnement.
Jean-Christophe Guérin. Photo Frédéric Marquet
Comment Michelin s’engage-t-il pour réduire son impact environnemental ?
« C’est un sujet sur lequel le groupe a toujours été attentif, dans son histoire. Néanmoins, depuis quinze ans, nous avons fortement renforcé notre engagement. En 2005, nous avons recensé les six éléments sur lesquels nous pouvions agir : la consommation d’énergie, les émissions de CO2, la consommation d’eau, les émissions de solvants organiques, la quantité de déchets générés et le taux de recyclage de ces déchets. En 2019, sur tous ces paramètres, nous étions déjà à -50 % par rapport à 2005. »
Quelles sont les ambitions affichées ?
« Aujourd’hui, nous sommes à 95 % de déchets recyclés. Ce point est presque réglé. Sur les cinq autres, nous voulons encore réduire de 33 % notre impact en 2030 par rapport à 2019. Nous travaillons donc sur les cinq éléments restants. »
Sur les émissions de CO2, par exemple, que faites-vous ?
« Nous nous sommes engagés sur l’objectif zéro émission de CO2 en 2050, avec un point de passage ambitieux à - 50 % dès 2030. Sur ce sujet, la référence des grands accords gouvernementaux (les COP, NDLR), c’est 2010. En 2019, nous étions déjà à - 25 % par rapport à 2010. Nous avons fait la moitié du chemin. »
N’est-ce pas du green washing pour une industrie qui reste polluante ?
« Nous sommes une industrie consommatrice d’énergie, oui, mais peu polluante en soi. Sur notre impact environnemental, nos indicateurs sont audités et contrôlés par un tiers externe. D’autres grands groupes ont également des engagements pour 2050. Ce qui nous caractérise, c’est que nous abordons cette problématique avec pragmatisme et des objectifs précis pour 2025 et 2030. Ils démontrent que nous avançons vraiment vers le zéro émission de façon régulière. Nous le faisons sérieusement et dès maintenant. »
Le site clermontois des Gravanches est le premier du groupe à zéro émission de CO2. Et ce depuis 2019, notamment grâce à des presses de cuisson électriques et une pompe à chaleur. Photo Richard Brunel
Comment vous y prenez-vous ?
« Dans notre industrie, l’étape cruciale, grande consommatrice d’énergies fossiles, est la cuisson du pneu à partir de vapeur. Depuis quinze ans, nous avons travaillé pour mettre au point une presse de cuisson électrique, aujourd’hui brevetée, qui permet de diviser par presque cinq la consommation d’énergie et qui ne nécessite plus de combustibles fossiles. Nous déployons cette technologie progressivement. C’est le cas dans notre nouvelle usine au Mexique ou en Chine. Quand nous pouvons acheter de l’électricité verte, comme en France, nous le faisons. C’est ce qui nous a permis de faire du site des Gravanches, à Clermont-Ferrand, notre premier site à zéro émission de CO2 depuis 2019. Il est équipé de presses électriques et d’une pompe à chaleur pour le chauffage. En Italie aussi, à Cuneo, nous avons déployé ces presses. Ce que nous n’avions pas prévu, c’est qu’il n’y ait plus assez de chaleur dans ces ateliers qui ont désormais besoin d’être chauffés?! »
Immersion dans le centre de recherche de Michelin près de Clermont-Ferrand (septembre 2021)
Ces presses fonctionnent pour tous types de pneus, et donc dans tous vos sites ?
« Pour les pneus de voiture, poids lourd, avion et deux-roues, c’est au point. Il reste l’agricole et le génie civil, pour lesquels il faut des pneus de grandes voire très grandes dimensions. C’est plus compliqué, mais nous allons y arriver. Et dans les étapes antérieures à la cuisson qui nécessitent aussi de la vapeur, nous mettons au point d’autres systèmes électriques. »
« Plusieurs dizaines de millions d’euros investis par an »
Jean-Christophe Guérin. Photo Frédéric Marquet
Est-ce votre unique levier ?
« Non. Là où nous avons encore des chaudières, nous les alimentons progressivement en biomasse d’origine durable. Nous couvrons aussi les toits de nos usines de panneaux photovoltaïques quand cela est possible. Nous l’avons fait en Thaïlande, pour deux usines en Allemagne, en partie à Ladoux et au Puy-en-Velay depuis 2011. Nous généralisons les éclairages LED sur nos sites, ce qui divise en moyenne par dix nos consommations sur ce poste. Sur la consommation d’eau, notre ambition à 2050 est de ne plus avoir d’impact sur la disponibilité de cette denrée précieuse. Nous installons partout des récupérateurs d’eaux pluviales et mettons en place des circuits fermés, avec de l’eau traitée et réutilisée. Pour les solvants organiques, nous développons des solutions qui permettent de les éliminer. Nous avons déjà des usines à zéro solvant et l’objectif est de s’en passer totalement d’ici 2050. Tout cela fait l’objet d’un plan d’investissement régulier de plusieurs dizaines de millions d’euros par an. »
Et vos déchets ?
« Nous en avons diminué la quantité d’un tiers sur les quinze dernières années et l’objectif est d’encore de la diviser par deux d’ici 2050. Cela signifie moins de pneus défectueux, moins de conditionnements, etc., et donc moins d’émissions de CO2. »
Vos salariés sont-ils impliqués dans cette démarche ?
« Ce que nous avons lancé plaît à nos équipes. Et nous laissons les initiatives émerger dans les usines. C’est important. On ne motive pas nos équipiers avec du green washing. Nous sommes tous des citoyens et notre fierté est de pouvoir dire à nos enfants que nous faisons un travail sérieux, avec des engagements rigoureux que nous ne prenons pas à la légère. Fin octobre 2021, nous sommes en avance sur la trajectoire prévue. »
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Patrice Campo patrice.campo@centrefrance.com