Quel est l'impact des panneaux solaires sur la biodiversité des déserts ?
La volonté de réduire les émissions de dioxyde de carbone pousse les pays à investir dans la production d'énergies renouvelables, notamment à travers le développement de panneaux photovoltaïques dans les régions désertiques, considérées à tort comme stériles. Ces installations à grande échelle ont-elles des conséquences sur la biodiversité du désert ?
Dans la course contre le changement climatique et avec le développement massif et rapide des énergies renouvelables, une étude - publiée dans la revue Ecological Applications, de l'Université de Californie, à Davis, et de l'UC Santa Cruz - s'est intéressée de près aux éventuels impacts, liés à l'installation de panneaux solaires, sur les plantes adaptées au désert.
En effet, l'énergie solaire, en tant que source inépuisable, est une solution viable pour le futur énergétique de notre planète mais le développement des installations de panneaux solaires n'est pas toujours sans conséquences... Il est notamment responsable de nouvelles conditions de ruissellement et d'ombrage.
Les chercheurs ont alors analysé le désert de Mojave, une étendue désertique d'environ 40 000 km², située dans l'Ouest des États-Unis, dans le Sud de la Californie essentiellement, mais aussi dans les États voisins du Nevada et de l'Arizona.
Par exemple, les opérateurs de la plus grande centrale électrique solaire - Ivanpah -, installée dans le désert de Mojave, dépensent actuellement environ 45 millions de dollars pour la récupération des tortues du désert car les données des espèces en voie de disparition ont complètement été sous-estimées avant sa construction.
"Notre étude suggère que l'énergie verte et les objectifs de conservation des espèces peuvent entrer en conflit dans le désert de Mojave en Californie, qui abrite près de 500 espèces végétales rares ainsi qu'une industrie solaire en pleine expansion", a déclaré l'auteur principal Karen Tanner, qui a mené le travail en tant qu'étudiant en doctorat à l'UC Santa Cruz dans le cadre d'une bourse dirigée par Rebecca R. Hernandez, professeure adjointe de l'UC Davis.
Les espèces rares sont plus sensibles aux panneaux solaires
A travers cette étude, les chercheurs ont utilisé des panneaux solaires expérimentaux, dans le désert de Mojave, pour tester les impacts de ces changements sur la dynamique de la population concernant deux plantes annuelles et indigènes du désert, étroitement liées : le rare tournesol laineux de Barstow - Eriophyllum mohavense -et la marguerite laineuse commune de Wallace - Eriophyllum wallacei -.
Pour cela, l'équipe de scientifiques a estimé les taux démographiques hors-sol - émergence des semis, survie et fécondité - sur une période de sept ans, tout en utilisant également les taux de survie des banques de semences d'une étude simultanée afin de construire des modèles matriciels de croissance démographique dans trois micro-habitats expérimentaux.
L'objectif principal est de comparer les performances de ces plantes à la fois en plein air mais aussi sous les panneaux solaires expérimentaux, en répondant aux questions suivantes : comment les plantes adaptées au désert réagissent-elles aux panneaux bloquant la lumière et la pluie ? Les espèces rares réagissent-elles différemment, à ces changements, que les espèces communes ?
En raison des défis logistiques et mathématiques plutôt délicats, pour modéliser des interactions d'espèces peu connues au sein du désert, aucune autre étude antérieure n'a effectué une telle modélisation.
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Par conséquent, cette étude a permis de révéler que les conditions météorologiques et les caractéristiques physiques du paysage ont une forte influence sur les effets des panneaux solaires sur les plantes. En effet, par exemple, lors de la super floraison de 2017, l'ombre du panneau a eu un véritable impact négatif sur la croissance de la population de l'espèce rare (Eriophyllum mohavense), mais elle a eu très peu d'effet sur son parent commun (Eriophyllum wallacei).
Les espèces rares seraient alors plus sensibles aux effets négatifs de l'infrastructure des panneaux solaires pendant les années pluvieuses qui sont essentielles à la reconstitution des réserves de graines, en comparaison aux espèces communes. D'après les résultats observés, les effets des panneaux solaires pourraient alors varier selon les espèces, l'espace et le temps...
"Le désert - et de nombreux autres biomes - ne répondent pas à nos échelles de temps", a assuré Rebecca Hernandez, co-directrice de la Wild Energy Initiative par le biais de l'UC Davis John Muir Institute. "Si nous voulons les comprendre, nous devons les étudier sur les délais de fonctionnement. Sinon, c'est comme prendre une photo d'un train en mouvement et l'appeler un porte-conteneurs. Se dépêcher de construire des installations d'énergies renouvelables dans des endroits qui ont déjà été dépouillés du vivant a du sens - n'attendons pas pour mettre de l'énergie solaire sur les toits existants. Mais dans les environnements naturels, nous devons d'abord écouter et observer", a-t-il conclu.
Autrement dit, profitons des toitures existantes dont la superficie est largement suffisante pour couvrir nos besoins en électricité, plutôt que d'empiéter encore sur des zones naturelles considérées à tort comme stériles.
Conservation des espèces rares et développement des énergies vertes
La situation est particulièrement complexe et paradoxale... Les énergies dites "vertes" se développent à grande vitesse afin de réduire notre impact sur l'environnement. Or, d'après les conclusions de l'étude, l'installation de panneaux solaires, à grande échelle , pourrait avoir des conséquences négatives sur les espèces rares du désert.
C'est pourquoi, comme l'expliquent les chercheurs, il est nécessaire de concilier les objectifs de conservation des espèces rares et ceux des énergies vertes. Ils ont alors mis en évidence les différents dangers pouvant entraver la gestion efficace des populations de plantes rares dans le désert du Sud-Ouest.
Les enquêtes destinées à révéler si des plantes rares sont présentes, sur les sites de développement proposés, doivent avoir lieu dans des conditions environnementales susceptibles de stimuler l'activité des individus dormants. En effet, lorsque les précipitations, pendant une période critique pour l'émergence des plantes, sont faibles, les chances de détecter des taxons rares - une entité regroupant tous les organismes vivants possédant en commun certaines caractéristiques bien définies - peuvent tomber à zéro. Par exemple, en 2012, les chercheurs avaient trouvé un seul individu d'E. Mohavense contre des milliers de plantes observées l'année précédente.
Cependant, les espèces ayant une stratégie de cycle biologique et une histoire évolutive partagées peuvent réagir différemment aux changements imposés par l'infrastructure solaire. Les différences physiques et climatiques entre les sites peuvent interagir pour influencer cette réponse.
Auteur
lucie.t / SINE LIMES
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Citer cet article
Quel est l'impact des panneaux solaires sur la biodiversité des déserts ? ; 08/06/2021 - www.notre-planete.info