En France, un scénario 100% énergies renouvelables est techniquement possible
Ce rapport était très attendu. Le réseau de transport d'électricité RTE et l'Agence internationale de l'énergie (AIE) ont présenté, ce mercredi matin, à la presse une étude selon laquelle il est techniquement possible pour la France, à l'horizon 2050, de tirer une grande partie de son électricité, voire la totalité, des énergies renouvelables variables, c'est-à-dire des panneaux photovoltaïques et des éoliennes. Une conclusion loin d'être anodine en plein débat sur le lancement, ou non, d'un nouveau programme nucléaire qui se traduirait par la construction de six nouveaux EPR.
Reste qu'une intégration forte, voire très forte, des énergies renouvelables dans le système électrique français est faisable uniquement si quatre conditions techniques sont remplies. Elles concernent la compensation de la variabilité des énergies renouvelables, le maintien de la fréquence à 50 hertz à chaque instant, les réserves et les marges pour piloter le réseau en temps réel et, enfin, une reconfiguration importante du réseau de transport.
Une évaluation purement technique
Ce rapport, commandé par le gouvernement en 2019, se concentre sur le débat de la faisabilité technique d'un système électrique tendant vers le 100% énergies renouvelables, alors qu'aujourd'hui le solaire et l'éolien représentent moins de 20% du mix électrique français et le nucléaire plus de 70%. Autrement dit, il ne se penche pas sur les aspects économiques, environnementaux et sociétaux d'un tel scénario. "C'est un rapport d'étape et une étude globale sera publiée à l'automne prochain", a souligné Xavier Piechaczyk.
"Un moment copernicien"
Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, a salué la publication de ce rapport dont elle a pris connaissance en début de semaine.
De son côté, Greenpeace accueille également ce rapport de manière très positive, "même si nous pensons qu'il arrive en retard", commente Cécile Génot, chargée de communication chez Greenpeace France. Il vient "confirmer ce que tant d'organisations environnementales et d'experts du secteur de l'énergie portent depuis des années : oui, en France, les énergies renouvelables sont des alternatives solides aux énergies fossiles et au nucléaire", pointe l'ONG anti-nucléaire. "Ce qui est intéressant c'est que l'AIE porte ce rapport alors qu'il s'agit d'une organisation pro-nucléaire. Le fait qu'elle soit en capacité de rendre public ce scénario est très positif", note Cécile Génot.
Industrialiser les technologies
Reste qu'un tel scénario n'est envisageable techniquement que si la France se donne les moyens de surmonter les défis techniques et industriels.
"Toutes les solutions techniques existent déjà une par une, au moins à l'état de théorie ou de démonstrateur", a expliqué le président de RTE, tout en soulignant le défi majeur de l'industrialisation de ces technologies.
L'une des grandes complexités liées aux énergies renouvelables est leur intermittence. Le soir, par exemple, la production photovoltaïque diminue sensiblement alors même que la demande en électricité ne faiblit pas. A l'inverse, au printemps, les champs éoliens peuvent produire plus d'électricité que nécessaire. Or, RTE doit garantir en permanence un équilibre entre la demande et la production d'électricité. C'est la condition sine qua non pour que chaque consommateur ait de l'électricité en appuyant sur l'interrupteur. Dans une configuration où les énergies renouvelables sont largement dominantes, les outils permettant de gérer cette variabilité, comme le stockage, sont indispensables. On parle alors de capacités pilotables.
Augmenter massivement les capacités de pilotage
Selon RTE, 40 à 60 GW de capacités pilotables seront nécessaires en plus des 30 GW actuels, fournis notamment par les barrages hydrauliques, afin de couvrir la pointe de consommation. Il faudrait alors ajouter de 3 à 4 GW de capacités supplémentaires chaque année entre 2035 et 2050.
Quant à la stabilité du réseau, la France et l'Europe devront mettre en place une feuille de route d'expérimentation si la part instantanée (c'est-à-dire le pic de production) des énergies renouvelables dépasse les 80%.
Développer de nouvelles autoroutes électriques
Le réseau de transport devra quant à lui être renforcé pour assurer des échanges de volumes d'électricité beaucoup plus importants entre différentes parties du territoire. En effet, l'été, l'essentiel de la production électrique pourrait provenir du sud de la France. Electricité qu'il faudra ensuite acheminer vers les autres régions. Sur ce point, RTE n'évoque pas d'enjeux techniques, ni même économiques, mais celui de l'acceptabilité en raison des grandes lignes à haute tension qu'il faudrait tirer sur des espaces vierges.
Aujourd'hui, le numéro un dans l'intégration des énergies renouvelables est le Danemark, avec 60% en part annuelle. Une configuration rendue possible notamment grâce aux nombreuses interconnexions avec ses pays voisins. En France, la programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit que les énergies renouvelables atteignent 40% à l'horizon 2030.
Les autorités devront ensuite arbitrer entre plusieurs scénarios alors que la plupart des réacteurs nucléaires arriveront en fin de vie à l'horizon 2050. Deux options se dessinent : remplacer les réacteurs anciens par de nouveaux ou remplacer intégralement la production nucléaire par des énergies renouvelables. Dans les deux cas, les énergies renouvelables occuperont un place prépondérante dans notre système électrique.
Juliette Raynal5 mn
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