Australie : une nouvelle technologie fait le lien entre l’ADN et l’apparence des individus
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parYohan Demeure, rédacteur scientifique
Il y a peu, les forces de l’ordre australiennes ont fait une annonce source d’interrogations. En effet, elles envisagent d’utiliser des échantillons ADN provenant de scènes de crime afin de réaliser un phénotypage, c’est-à-dire caractériser l’ensemble des caractères apparents d’un individu.
Le « séquençage parallèle massif »
En 2017, la police canadienne avait reconstitué le visage du principal suspect d’un meurtre ayant eu lieu en 1998. L’ADN qui a permis de réaliser ce portrait robot provenait de la scène de crime. Dans un communiqué du 5 décembre 2021, la police fédérale australienne a quant à elle fait une annonce plus surprenante encore. Les forces de l’ordre souhaitent en effet utiliser les échantillons ADN issus des scènes de crime pour effectuer des prévisions sur les suspects. Il est ici question de phénotypage, une technique permettant de définir l’apparence physique des individus, mais également leur sexe biologique ainsi que leur ascendance. Selon la publication, la police a déjà utilisé une technique assimilée dans le but d’identifier un suspect ainsi que les restes d’une victime.
Un article publié dans The Conversation le 13 décembre a donné la parole à Caitlin Curtis et James Hereward, deux généticiens confirmés. Selon eux, la technique que la police australienne désire appliquer se nomme « séquençage parallèle massif ». Concrètement, il s’agit de permettre à des machines de lire à une vitesse surprenante des milliards de séquençages ADN provenant des bases de données de la police.
Cette technologie utilisant l’ADN va progresser, mais soulève de nombreux doutes
Ce séquençage peut être très utile dans le cadre d’affaires impliquant des personnes portées disparues. En effet, cela permet l’identification des restes des victimes ou encore d’exclure certains individus de la liste des suspects. Dans un premier temps, la police australienne désire utiliser cette technique pour définir la couleur des yeux et des cheveux. Dans une décennie, il sera éventuellement également possible de définir la masse corporelle, mais aussi l’âge, la taille, la forme des oreilles ou encore la distance entre les yeux. Caitlin Curtis et James Hereward estiment par ailleurs que ce genre de séquençage pourrait dépasser le cadre de l’apparence des individus. En effet, il sera peut-être possible de définir un profil incluant leur santé mentale et physique.
Toutefois, le phénotypage ADN n’est pour l’instant aucunement encadré par un cadre législatif strict. Aussi, les interrogations concernant l’éthique sont bien présentes, notamment au niveau des éventuels biais racistes. En Australie, certaines franges de la population font davantage l’objet de suspicions, comme les peuples aborigènes. En 2020, une étude publiée par l’Australian National University affirmait ainsi que dans ce pays, trois personnes sur quatre avaient des préjugés sur cette partie de la population. Enfin, le phénotypage est pour l’heure un moyen de prédiction dont la part d’incertitude est encore trop importante.